
C’etait un vendredi. Le 23 septembre 1983. A quinze heures. A Paris, au numéro 5 de la rue Jean-Jacques-Rousseau. Dans un studio uniquement meublé d'un lit double. Pas de musique. La lumière d'une bougie. Il avait vingt-trois ans, moi dix-neuf. C’était mon premier amour. Mais il avait choisi Dieu, il m’avait quitté pour entrer dans une secte. Une semaine plus tard, il a garé sa voiture près d’un passage à niveau, et il s’est jeté sous le train. Sous le siège de la voiture, on a retrouvé mes lettres d’amour. Il a été enterré en Haute-Savoie. Sa mère a refusé que j’assiste aux obsèques. Je suis resté enfermé dans ma chambre, seul. Je n’ai jamais autant pleuré que ce jour-là. De seize heures à dix-huit heures, le temps qu’ont duré les funérailles. Puis j’ai allumé une bougie dans un verre, je me suis allongé, endormi. Quand je me suis réveillé, le verre s’était brisé, la bougie était éteinte et j’étais agenouillé. Genoux à terre, avec dans les mains la seule photo que j’aie jamais eue de lui, celle du faire-part de décès. (p. 245)
Foto e texto: CALLE,Sophie. Douleur exquise. Paris: Actes Sud,2003.
Fonte da Foto: (http://www.christinawilson.net/template/t02.php?menuId=64)